Bikers & clubs

Biker, motard ou rider ?

 

On peut remonter jusqu’aux premières motos à vapeur des années 1868, telles que la française Perreaux, les américaines Roper et Copeland, ou au 1er moteur 4 temps de l’allemand Daimler, on ne trouve pas trace d’un quelconque biker en raison de l’impact confidentiel de la moto sur la société de l’époque. Néanmoins, on peut noter qu’en 1897, des français, les frères Werner, désignent leur cycle à moteur comme une motocyclette et son utilisateur comme un motocycliste.

Plus près de nous, le dictionnaire Anglais Oxford, donne une première définition du Biker : motard faisant généralement partie d'un gang - un motard aux cheveux longs et en jean sale. Il est à parier que cette définition un peu capillo-tractée date d’après les évènements d’Hollister.


Plus sérieusement, une étude réalisée par un assureur britannique définit le morphotype du motard d’outre Manche. Elle conclut qu’il a en moyenne plus de 35 ans, qu’il vient de la classe moyenne, travaille dans l'informatique ou les télécoms et qu’il roule sur une Honda. En outre, seulement 1 sur 10 a les cheveux longs et 6 sur 10 se déplacent seuls.


Oxford rectifie alors sa définition qui devient : un motocycliste, en particulier un membre d'un gang ou d'un groupe.

Le dico. de la maison d’en face, celui de Cambridge, est un peu plus mesuré : a member of a group of people riding motorcycles, sans notion de gang.         

Chez les mangeurs de grenouilles, le biker est un motard qui roule en général en dessous des limitations de vitesse.

Sa moto de type cruiser, de grosse cylindrée, a une position de conduite qui permet de voyager de manière décontractée.

 

Monsieur Larousse affirme, quant à lui, que le motard est un motocycliste passionné de moto, ou un agent de police, un gendarme, ou encore un soldat qui effectue son service à moto.

On comprend donc que l’image d’Epinal désignant les bikers comme les membres d'un club de délinquants n’est pas l’idée originelle du terme biker (ou bikeur ou aussi bikeuse), malgré le dico. d’Oxford.


Ces originaux ne sont que de simples bipèdes, tout à fait recommandables, passionnés et se déplaçant en moto. Le terme biker n’est alors que la traduction anglophone du motocycliste des frères Werner.

Soit beau, bien habillé et tais-toi !

 

Au tout début des années 1900, on roule principalement sur des anglaises : Norton, Triumph, Royal-Enfield, etc. Puis, les marques américaines majeures arrivent, Indian en 1901 et Harley-Davidson (H-D) en 1903. H-D devient par la suite le leader incontesté du segment de la moto custom, son rival historique Indian dépose le bilan en 1953. 

Durant ce demi-siècle, l’industrie de la moto se développe et avec elle différentes associations et clubs. Parmi ces associations, l’Américan Motorcyclist Association (A.M.A), créée en 1924, défend les droits des motards et encadre l’organisation de certains évènements. Elle s’impose petit à petit comme le grand ordonnateur du milieu et accueille des acteurs de l’industrie motocycliste.


Mais pour certains motards, il s’agit d’une association de riches propriétaires, qui exerce une influence trop importante et carrément liberticide sur le milieu des motards.

 

On note qu’à cette époque le biker est propre sur lui et que c’est l’A.M.A. qui régit le milieu associatif de la moto aux U.S.A.

Hollister - Acte de naissance du biker

 

Un vrai-faux événement modifie la perception de l’image du motard dans l’opinion publique américaine et engendre une scission dans le milieu des bikers.


En 1947, le jour anniversaire de l’indépendance des Etats-Unis, des incidents surviennent à Hollister, petite ville de Californie de 4 500 habitants, qui organise annuellement, avec l’A.M.A, une manifestation sportive motocycliste au Bolado Racetrack : le Gipsy Tour.


Entre 4 000 et 5 000 bikers arrivent sur zone. La police locale est vite débordée et cette sur-fréquentation mal maîtrisée entraîne des troubles de l’ordre public. Le Bolado Racetrack n’a pas la capacité d’accueil nécessaire pour tous les motards et certains, déçus de ne pouvoir assister au spectacle, s’approprient alors la Main Street, la San Benito Avenue pour y organiser des courses et des cascades.

Les 27 bars que compte le bourg sont pris d'assaut. Pendant deux jours, la ville devient le terrain de jeu des bikers qui dorment n’importe où et pénètrent en moto dans les bars.


A minuit, la San Benito Avenue, est recouverte d'un lit de verre brisé.

 

Les événements d'Hollister ont finalement provoqué l’arrestation de 50 personnes pour des délits mineurs (ivresse sur voie publique - conduite dangereuse).


Une quarantaine de blessés légers (coupures, intoxications aux lacrymogènes et comas éthyliques) sont à déplorer..

Questionnée sur ces événements, l’A.M.A. aurait répondu (conditionnel) que 99 % des motocyclistes respectaient la loi. C’est ainsi qu’aujourd’hui les clubs de motos vivant en marge des règles de l’A.M.A, et parfois de la loi, sont désignés par le sigle « 1 % ».

 

Cet épisode est exagéré et dramatisé par la presse dans laquelle paraissent des articles intitulés Ravages dans Hollister ou Mauvais Temps à Hollister, décrivant des situations de fin du monde lors d’une soi-disante mise à sac de la ville.

De plus, ces fausses informations sont illustrées par des photographies relevant le plus souvent de la mise en scène.


Ces articles sont ensuite relayés dans la presse nationale qui contribue au développement du côté mauvais garçon du biker.

Après les incidents d'Hollister, d’autres évènements éclatent à Riverside, dans le sud de la Californie, en 1948, toujours un 4 juillet.

Désordre sur la planète moto

 

Ainsi, en Californie, berceau des bikers où l’on fait de la moto toute l’année, le biker n’est plus seulement le conducteur d’un deux-roues motorisé, il est devenu, suite à ces évènements, le vecteur d’une philosophie contestataire, peu recommandable.

 

Il y a la tendance « sage » des bikers, parfaitement respectueuse des lois appartenant à la mouvance « Law Enforcement Motorcyclist Club ». L’A.M.A. fixe encore les règles pour la plupart d’entre eux, en symbiose avec les acteurs du milieu économique de la moto.

 

On y trouve des clubs issus de marques, de corporations ou épousant des causes caritatives, etc. (voir post Patchs & Couleurs). Leurs membres se réunissent ponctuellement pour partager des moments conviviaux, bricoler ou rouler pour le plaisir.

Si très tôt des clubs indépendants apparaissent, c’est tout simplement parce que l’A.M.A. n’admet pas les motards de race noire en son sein.


Elle n’ouvrira ses portes aux hommes et aux femmes de couleur que dans les années 1950 et ne fera son mea culpa qu’au milieu des années 1990.

 

Ces exclus donnent alors naissance à des clubs noirs tels que le East Bay Dragons  d’Oakland ou le Chosen Few MC.


Et, paradoxalement, certains de ces clubs accueillent des blancs parmi leurs membres. L'intelligence n'est donc pas une histoire de couleur !


Ce désordre est aussi la conséquence d’un mal-être sociétal profond et insidieux qui affecte plus particulièrement les vétérans de guerre et la jeunesse.

 

Les vétérans démobilisés après la seconde guerre mondiale rencontrent des difficultés de réinsertion. Outre le traumatisme psychologique, totalement méconnu à l’époque, ils sont livrés à eux-mêmes, pour ne pas dire abandonnés.


Certains d’entre eux vont alors retrouver dans le milieu de la moto les liens de fraternité et de solidarité qui constituaient le fondement de leur mode de vie antérieur durant la guerre. D’autres y retrouvent parfois l’adrénaline liée aux dangers de la guerre qui leur fait défaut depuis leur démobilisation, mais ceci est une autre histoire

La jeunesse, quant à elle, est incomprise et exprime le rejet d’une société américaine ancrée dans la rigidité. N’oublions pas que nous sommes alors sous le joug d’un censeur zélé, directeur du F.B.I, John Edgar Hoover. Elle va trouver dans ces clubs de bikers une liberté que la société de l’époque ne lui autorise pas.


Ces deux franges vulnérables, donc influençables, de la société vont alimenter les clubs de bikers 1% et la « kulture Kustom » naissante.


L’avènement des clubs outlaw motorcycle club ou clubs hors-la-loi, à partir de 1947, modifie profondément l’image du biker.

Cependant, tous les clubs 1% ne sont pas à mettre dans la même mouvance. Pour certains, le mode de vie adopté est en marge des codes usuels de la société classique. L’esprit y est rebelle et contestataire des standards de la société de consommation. Pour autant, le comportement n’est pas forcément sectaire, maffieux ou criminel. Le non-respect de la loi se traduit par des délits mineurs associés à l’ivresse de la liberté retrouvée ou de l’effet de groupe. Les délits se limitent à des vitesses excessives, des états alcoolisés, parfois des outrages à agent, etc.


Ce n’est pas le cas pour d’autres clubs qui vont beaucoup plus loin dans la transgression des lois et constituent la branche dure des 1%.

Ces clubs sont régis dans une hiérarchie quasi militaire, dans laquelle on retrouve les grades de hangaround (qui tourne autour), de prospect, affectés aux tâches les plus ingrates, voire illégales, avant d’être admis parmi les membres, aussi appelés frères.


Le recrutement se fait au cours des concentrations. Il peut quelquefois concerner un club déjà existant par cooptation, ce club devient alors un club support.

Ainsi formée cette famille veille sur l’intégrité de ses membres ou de son territoire, à tort ou à raison. Toute atteinte engendre une réponse violente.

Nous sommes là dans la micro société des clubs vivant de racket, de la vente de produits illicites, tels que les Hells Angels, les Bandidos, les Outlaws, les Pagans, etc.


Dès l'année 1946, les deux clubs les plus importants sont à Los Angeles, le Gallopin'Goose et le Boozefighters. En 1947, ce dernier compte deux antennes, l'une à San Francisco et l'autre à San Pedro. Le Boozefighters Motorcycle Club (site du BFMC) existe toujours aujourd’hui.

 

En 1948, le club des Pissed Off Bastard Of Bloomingthon prend le nom de Hells Angels. Le Market Street Commando, implanté à San Francisco, devient le second chapitre du Hells Angels Motorcycle Club, avec qui il fusionne en 1954. Ces clubs sont identifiables par un nom de baptême et un logo.

Biker - Univers et Culture

A l’origine, aux U.S.A, la kustom kulture est l'art de la personnalisation. Désargenté, le biker achète une moto à bas prix qu’il transforme. La grande majorité des bikers roule sur de vieux bicylindres équipés avec de petites selles et des moteurs gonflés. Les motos sont allégées dans le but d’optimiser leurs performances. Ces bobbers donneront naissance, dès le début des années 50, aux choppers.


Le biker parle de sa moto comme d’une mécanique céleste et non comme d’un simple moyen de transport. Il roule pour le plaisir et de préférence sans casque.

On revendique dans les clubs une fraternité envers les autres motocyclistes et la solidarité qui en découle en cas de problème sur la route. A l’origine, ce n’est pas forcément un choix vertueux. C’est la qualité du service après vente quasi inexistant de l’époque qui l’impose. Le biker partage tout cela avec des frères, même si parfois les relations sont difficiles avec les membres des clubs concurrents, le plus souvent dans la mouvance 1%, qu'avec les clubs de marque restés sous l’emprise de l’A.M.A.

Les exhibitions dans les grosses concentrations, comme à Sturgis ou Daytona Beach sont très prisées. Ces concentrations, avec le temps et le succès, sont maintenant de vrais évènements commerciaux et accueillent des concerts, des expositions, des compétitions et divers exposants. Ceci dit, l’Europe n’est pas en reste et des concentrations d’envergure y voient aussi le jour. Je veux parler de Faaker See en Autriche ou Faro au Portugal.

Culturellement parlant, le biker donne dans la virilité, les tatouages, les blousons de cuir et les gilets en jean.


Même en matière de musique, il exhale la testostérone : Hard Rock, ACDC, Motörhead, ZZ Top, Métallica, Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers Band, Black Label Society, avec parfois des références à la culture amérindienne (pour les moins énervés).

 

Dans les années 1960, les Hells Angels sont également très proches des groupes psychédéliques de San Francisco tels que Grateful Dead, Blue Cheer (groupe de bikers dirigé par un Hells Angels de San Francisco) ou encore de Janis Joplin et son groupe Big Brother & The Holding Compagny.

Côté cinéma, la culture biker est relatée dans de nombreux films, dont le 1er est inspiré par les événements d’Hollister : l'équipée sauvage, en 1953, avec Marlon Brando.


Plus près de nous Easy Rider et la série Sons of Anarchy perpétuent l’image controversée du biker mauvais garçon sur son cheval mécanique.

Aujourd’hui, chez nous

 

Les clubs historiques des U.S.A ont traversé l’Atlantique pour créer des chapitres et s’implanter dans notre vieille Europe. Chacun de ces chapitres revendique la même philosophie de vie que celle de son club de tutelle.

Le biker européen est-il différent de celui d’outre atlantique ?  

 

Il semble que non, puisqu’il fonctionne avec les mêmes codes, même si sur le site Passion Harley, on trouve une définition particulière du biker. Je cite : Couleurs = Biker (initialement biker vivant hors règles de l’A.M.A) et Biker = Harley. CQFD.

Cette définition, parfaitement étayée et dépourvue de tout sens commercial, laisse poindre en moi la déception. N’ayant ni crochet d’attelage, ni remorque, je suis condamné, ad vitaé aeternam, au statut de simple rider.

 

Petit clin d’œil à nos amis de chez H-D dont les montures sont aussi belles que performantes. Et même si Harley finance la majorité des grandes manifestations du milieu, je pense qu’un biker est avant tout attaché à une philosophie et n’appartient à aucune marque de moto.


Ceci irait à l’encontre de l’idée de liberté qu’il revendique. Reste simplement à savoir où placer le curseur sur l’échelle idéologique pour que son besoin de liberté ne devienne pas une source d’ennuis sur le plan juridique.

 

Enfin, pour se renseigner sur les différents clubs de la galaxie, il suffit d’aller sur internet. Différents sites permettent de trouver des renseignements qui peuvent aller de l’historique des clubs, en passant par leur but, jusqu’à la carte définissant le territoire revendiqué.

Yfor