Motorhell

Le luxe à la française

Motorhell pointe le bout de ses pistons au salon de la moto de Paris 2018.


Tiens ! Une nouvelle marque ?




Un engin hors norme sur base de V-Rod


Le moteur de la V-Rod Révolution de chez messieurs Harley et Davidson titre 1250 cc. Le bicylindre initial à 45° refroidi par air a cédé sa place à un moteur à refroidissement liquide, à double arbre à cames en tête, dont l’angle entre cylindres est maintenant de 60°.

Porsche Engineering collabore à la mise au point de ce bijou bardé d'aluminium, d’abord produit en 1130 cc avant de passer à 1250 cc.

La transmission primaire s'effectue par engrenage à taille droite pour le 1er et le 5ème rapport. La puissance initiale de 115 chevaux à 8 550 tr/mn engendre déjà un couple important de 100 Newton-mètre à 7 000 tours.

Elle est optimisée jusqu’à 150 chevaux par une modification de la cartographie.


L’injection électronique est une ESPFI (Electronic Sequential Port Fuel Injection) Marelli. Elle est équipée de deux nouvelles sondes (O2 ou lambda) en liaison avec le calculateur de bord qui est le cerveau du moteur et permet de faire un point instantané de la combustion.

Le cadre est modifié et le bras oscillant en aluminium est découpé au laser. Le tout est achalandé avec un échappement KessTech disposant d’un obturateur électronique à 4 positions d’ouverture.


La partie cycle intègre du « matos » qui vient de chez Öhlins pour la fourche inversée ou Brembo pour les disques de 360 mm nécessaires pour stopper la bête.


L'ensemble est complété avec une jante de dragster de 300 mm à l’arrière, capotée par une robe de Ducati Panigale, des gadgets électroniques autorisant un démarrage à distance et un traceur GPS.


Après avoir mélangé, ou plutôt ordonné le tout, vous obtenez un custom dégageant une folle impression de massivité. Impression créée par la largeur de la jante arrière et par le guidon, quasiment à plat et à peine plus haut que la partie supérieure du réservoir.


C’est du lourd au sens propre comme au sens.. financier.

Le prix d'une pièce d'orfèvrerie


La bête est monstrueuse, magnifique, brutale, exclusive et nous pourrions remplir une page entière de superlatifs.


Mais pour garder raison, un petit coup d’œil sur son prix d’approche qui est de 61 500 euros (Allô tonton, pourquoi tu tousses ?).

Sortez votre hérisson et vous êtes alors l’heureux propriétaire d’une One.

La Master, qui est le modèle intermédiaire coûte environ 92 000 euros (Allô tonton, pourquoi tu tousses ?).



Quant au haut de gamme, la Fullmaster et son turbo-compresseur développant 217 chevaux, vous approchez les 120 000 euros (Allô tonton, pourquoi tu tousses plus ?).



Grosso modo, pour les deux premiers modèles de la gamme, nous sommes dans la fourchette de prix de la Boss Hoss, autre monstre du segment des motos hors normes.



Pour le haut de gamme, nous sommes dans le prix d’une maison pour famille modeste promue par le ministre Jean-Louis Borloo à la fin des années 2000.

Les géniteurs


Question : quels sont les téméraires, pour ne pas dire les inconscients, à l’origine d’un tel projet ?

Réponse : c’est Emmanuel Narrat qui a imaginé tout cela et Max Romelard qui l’a fait.

Emmanuel Narrat est né à Argenteuil en 1966. Il fait des études de droit tout en développant sa fibre artistique, puisqu’il expose ses peintures durant ce temps.

Finalement, il prospère dans la finance.

Classique me direz-vous !


Sa passion pour les voitures en précède une autre, découverte en 2004, pour la moto et plus particulièrement pour la moto custom.

Il roule d’abord sur des japonaises, n’en déplaise à certains mangeurs de hamburgers.


Habituellement, Narrat qui n’est pas dans le besoin sollicite Ludovic Lazareth lorsqu’il veut une moto hors normes.

Pour ceux qui ne connaissent pas Lazareth, ce presque homonyme de notre petit Jésus (celui qui est mort sur la croix, pas l’autre !) est un concepteur-préparateur de motos, de quads ou de voitures inclassables.


Ancien élève de Franco Sbarro, il est installé à Annecy-le-Vieux où il invente des engins qu’il conçoit sur commande à partir de modèles existants.


Son chef-d’œuvre est une moto volante la LVM 496 (comme 496 000 euros), avec une autonomie de 10 minutes en vol.


Nous sommes là dans la haute couture de la customisation, dans le génie de la conception et de l’invention.

Ainsi, Narrat a-t-il déjà commandé à Lazareth l’une des dix V-Max Hypermodified produites, qu’il se fait aussitôt dérober.


Pour se consoler, Narrat commande alors un modèle encore plus fou que le précédent : la V-Max Hypermodified « Evolution 2 » qu’il conçoit de concert avec Lazareth et qui reste l’unique exemplaire produit à ce jour.

Mais revenons à nos moutons maintenant que le décor est planté !


En cette année 2015, Narrat sollicite à nouveau Lazareth. Il rentre des USA où il a fait la route 66 sur une Harley-Davidson dont il est tombé sous le charme. Durant son trip, il couche les bases de sa future moto sur le papier. Ce sera une Harley-Davidson V-Rod préparée par Lazareth.


Environ un an après, Lazareth sort comme toujours un modèle exceptionnel. Néanmoins, ce dernier ne correspond pas totalement à la projection de Narrat. Apparemment, Lazareth a pris trop de liberté avec le concept imaginé sur la route 66.


Mais, ce n’est que partie remise car Narrat rencontre l’homme idouane pour réaliser son projet lors de l'Euro Festival Harley-Davidson de Grimaud en 2017.

L’homme providentiel s’appelle Max Romelard.


Né à Reims en 1982, dans une famille de passionnés de moto. Il fait les Beaux-Arts d’Annecy au début des années 2000 et devient tout naturellement designer.


Par la suite, il accumule de l’expérience chez Kawazaki, avant de basculer chez Harley-Davidson en 2010.


Concepteur de génie, il présente ses premières préparations à l’Euro festival de Grimaud en 2013.


Le succès est au rendez-vous et la presse spécialisée s’intéresse à ses réalisations.

Mais surtout, cette même année, il fait la connaissance d’une cheffe d’entreprise monégasque : Emmanuelle (Emma pour les intimes).


Elle est aussi passionnée que lui de moto et plus particulièrement de Harley-Davidson.


Les deux tourtereaux passent devant monsieur le maire trois ans plus tard et de leur union nait.. l’Atelier du Gentleman.

L’Atelier du Gentleman est aujourd’hui installé à Mougins, Monaco et Miami.


On y fabrique, conçoit, customise des modèles sur des bases HD, mais aussi japonaises ou européennes.


C’est du sur-mesure ! On commande, on attend que les petites mains orfèvres fassent leur métier et on roule quelques temps après sur un modèle unique qui coûte la peau des fesses.


Pour autant, ceci ne veut pas dire que la bécane ne vaut pas son prix.

Emmanuel Narrat et Max Romelard se rencontrent en 2017.


Narrat apprécie le travail de Romelard et lui présente son projet encore en attente malgré sa collaboration passée avec Lazareth.


L’entente est fusionnelle entre les deux hommes en parfaite symbiose sur la moto et l’art de la customisation.


En 2018, les deux compères présentent, toujours à Grimaud, leur première réalisation, telle que l’avait imaginée Narrat lors de son road-trip de 2015.

Cette réussite engendre la naissance de la marque Motorhell, ainsi appelée en hommage à Lemmy Kilmister que Narrat vénère.

C’est la structure d’Emma et Max Romelard, l’Atelier du Gentleman, qui d’un commun accord entre les fondateurs possède la licence d’exploitation de la société Motorhell.

Il s’agit donc d’une marque de motocyclettes franco-française, tout comme le sont Mash, Avinton, Midual, Brough Superior et Lazareth. Mais une marque produisant des modèles de luxe, plutôt dans la catégorie de Brough Superior que celle de Peugeot (qui bien que portant son nom originel appartient maintenant à Mahindra).


Ses modèles destinés à de riches et heureux propriétaires qataris, américains et britanniques entre autres, sont fabriqués en France, ce qui n'est pas le cas de Mash par exemple. Ceci dit, je suis quand même content de savoir que des français fabriquent des bécanes que je ne peux pas me payer !


En tout cas, lorsque l’on se porte acquéreur d’une Motorhell, c’est presque comme lorsque l’on va chez le couturier pour un costume.


C’est à partir du site Motorhell que l’on prend contact avec le fabricant pour passer commande. En effet, même si l’entretien se fait chez le constructeur, ou parfois chez Harley-Davidson, Motorhell ne possède pas de réseau de vente ou de concession.

Une fois le monstre commandé, les mesures du futur propriétaire sont prises et l’adaptation de la machine (guidon, commandes de pieds) peut commencer.


Le confort n’est pas oublié avec un fin réglage des amortisseurs. Il reste cependant tout à fait relatif sur ce genre d’engin extrême.


Après, tout est question de patience. Rappelons que la fabrication est artisanale et qu’elle peut prendre un temps plus ou moins long en fonction des options choisies (double bras, mono bras, compresseur, etc.) et du modèle commandé.

A l’issue, l’heureux possesseur d’une bécane numérotée, avec un certificat d’authenticité signé des deux fondateurs de la marque est aussi titulaire d’une carte de propriétaire, en aluminium s’il vous plait.

Il peut alors bénéficier des privilèges réservés aux membres du Club des Propriétaires.


Enfin, il ne reste plus qu’à essorer le poignée pour tester le comportement de la bête mue par ses 157 chevaux.

Abstraction faite de la position de crapaud du pilote lorqu'il chevauche la bête, que j'ai remarquée lors d’une présentation télévisée, « ça doit arracher le bitume » comme disent les jeunes.

Au moment de la rédaction de ce post, Motorhell produit toujours et encore ce power cruiser de folie sur la base de la V-Rod Révolution, à classer dans la catégorie des inclassables, telles que la Hoss Boss, la Rocket III, etc.


Sa production en série reste très confidentielle, car les 10 à 15 unités annuelles sont entièrement assemblées à la main, dans le Sud de la France.


Dans le futur, Motorhell va nécessairement évoluer pour la bonne et simple raison que la production de V-Rod est arrêtée par le constructeur américain depuis 2016, après 15 ans de bons et loyaux services.


La question relative à la fourniture des matériels de base risque de se poser, même si ce n’est pas dans l’immédiat.


Peut-être verrons-nous alors de nouvelles préparations sortant de l’Atelier du Gentleman, marquées du sceau de Motorhell.

Les moteurs ne manquent pas chez Indian, Ducati, BMW, etc..

Yfor 2020-05