Norton

Des hauts et des bas, mais toujours des bécanes de folie !

Naissance de la marque



Né en 1869, à Birmingham, James Lansdowne Norton crée Pa Norton, une entreprise de fabrication de bicyclettes à moteur. Implantée à Wolverhampton, elle est ensuite transférée à Birmingham en 1898 et devient la Norton Motorcycle Company, spécialisée dans les raccords et pièces pour le commerce des deux-roues.


La première moto Norton conçue en 1902 est équipée d’un monocylindre français de Gustave Adolphe Clément de 162 cc. La marque fonctionne par la suite avec des moteurs suisses et français, Peugeot notamment, qui équipent tous les modèles Norton de 200 à 1000 cc jusqu’en 1906.

En 1907, Rem. Fowler, au guidon d’une Norton mue par un moteur Peugeot remporte la première édition de la Saint John’s Course, la future Tourist Trophy (T.T), dans la catégorie des bicylindres.


Il parcourt 255 km à 58 km/h de moyenne en portant le record du tour à 62 km/h.


Si cette année-là Norton démontre son savoir-faire en compétition, le plus important pour la marque est la mise au poing son propre moteur, le Big-Four modèle 1, de 660 cc.

J. L. Norton, bon ingénieur, mais piètre commercial, fait faillite en 1913. Sa société est rachetée par Bob Shelley, propriétaire de R.T. Shelley, une entreprise de fabrication de pièces automobiles. Rebaptisée Norton Motors Limited, elle est promue par le beau-frère de Shelley, Dan O' Donovan, qui établit des records de vitesse en 1914, sur le mile, puis sur 5 et 10 miles, avec un modèle de 490 cc.

Première guerre mondiale



Pendant la première guerre, Norton soutient l’armée avec la production de quelques motos de 3,5 chevaux et des Big-Four, parfaites pour les side-cars. Equipés avec un Big-Four, les side-cars sont modifiés pour transporter des canons, faire office d’ambulance, etc.


Un contrat gouvernemental en 1916 aurait même envoyé (conditionnel – pas de documents officiels en attestant dans la littérature spécialisée) quelques unités en Russie.


Durant et après cette période, la marque fabrique des moteurs à soupapes latérales, sans connaître un franc succès dans le secteur civil.

Entre deux guerres



En 1922, elle sort son premier moteur culbuté, un 475 cc (modèle 18), avec lequel elle triomphe à nouveau à la T.T. de l’île de Man en 1924. A son guidon, Alec Bennett parcourt les six tours de circuit à la vitesse moyenne de 99, 2 km/h.


L'année suivante J. L. Norton, 56 ans, s’éteint des suites d’un cancer, Bill Mansell lui succède. La branche compétition est drivée par Walter Moore qui cumule également les casquettes Recherche et Développement.


En 1927, ce dernier conçoit le moteur Norton Camshaft Sénior Modèle 1 (CS1), à arbre à cames en tête, avec lequel Alec Bennett remporte une énième T.T. et Stanley Wood, pilote d’usine Norton, porte le record du tour à un peu plus de 114 km/h.

Moore quitte Norton en 1930. Le moteur CS1 prenant de l’âge, Arthur Carroll son successeur, développe le moteur OHC dès 1932, aidé par Joe Craig.


Dans les années 1930, avant le début de la guerre, Norton produit environ 4000 unités annuellement.


Comme l’ont fait Triumph et Indian avant elle, Norton va s’appuyer sur les deux piliers de développement que sont la guerre et la compétition.

Deuxième guerre mondiale


Lors de la seconde guerre mondiale, Norton produit à nouveau des motos et des side-cars au profit de l’armée britannique (100 000 unités environ). La plupart des moteurs sont à soupapes latérales, modèle WD 16 H (WD pour War Départment) et H (Home), afin de distinguer les motos conçues pour le marché interne de celles destinées à l’exportation.


Des Norton équipent également les armées néo-zélandaise, australienne, indienne et canadienne. Si Norton décroche des marchés militaires, c’est en raison de son avance technologique et logistique permettant de fournir sans problème des moteurs fiables et surtout des pièces de rechange.

Des performances régulières



Côté circuit, Norton remporte sept des neuf  T.T. Seniors de l'île de Man (500 cc) entre 1931 et 1939.


Après une petite interruption, elle reprend sans partage sa domination, tant sur le T.T. que sur le Manx GP qui se courent sur le même circuit de l’île de Man de 1947 à 1954.


Pour la petite histoire, le Manx GP organisé par le Manx Motor Cycle Club Ltd. est réservé aux pilotes amateurs qui espèrent courir le T.T.

Il est en quelque sorte le billet d’entrée dans la course des grands.


L’appellation Norton Manx, donnée à certaines motos, est issue de ce grand prix et attribuée aux quelques unités produites pour la course, mais adaptées pour et vendues sur le marché civil.


Produites jusqu’en 1963, elles sont mues par des monocylindres quatre-temps de 350 et 500 cc.

Juste après la guerre, en 1947 et 1948, Bert Hopwood débauché de chez Triumph conçoit la série historique des Dominator.


Les modèles arrivent sur le marché avec un bicylindre de 497 cc (modèle 7).


Norton prolonge ce succès commercial avec les Dominator Twins (modèle 88) de 500 à 650 cc, dès le début des années 1950, puis par le modèle Atlas de 750 cc, destiné au seul marché américain.

Fragilité et déclin



Mais Norton reste un constructeur aux pieds d’argile qui va subir plusieurs revers successifs.


Le fabricant Reynolds peine à livrer les fameux cadres Featherbed, conçus par les frères McCandless, qui améliorent grandement le rendement de la moto et une partie de la clientèle se serait alors détournée (conditionnel), confrontant la marque à des difficultés financières.


Norton voit ses investisseurs partir et passe alors sous le contrôle de Associated Motorcycles (AMC) en 1953, qui est déjà propriétaire des marques AJS, Matchless, Francis-Barnett et James.


La concurrence, notamment italienne et plus tard japonaise est féroce. La politique commerciale de la société évolue et le chapitre compétition se clôt en 1954.

En 1960, la nouvelle Norton Maxman de 650 cc est exportée uniquement aux U.S.A. par le biais de l’importateur américain de Norton, Joe Berliner.


Mais la Norton Atlas de 750 cc, trop chère, engendre de nouveaux problèmes financiers.


Norton se recentre alors sur l’essentiel et limite sa production à des machines de cylindrées inférieures, telles que les Jubilee 250 cc, Navigator 350 cc et Electra 400 cc, conçues par Bert Hopwood en utilisant diverses pièces issues du conglomérat AMC.

En 1962, à Birmingham, l'usine historique de Bracebridge Street ferme et la production est déplacée à Woolwich, dans l'usine AMC, au sud-est de Londres où l’on fusionne les motos Norton et Matchless.

Malgré cela, en 1966, c’est la liquidation judiciaire.

Innovation et rechute



Rachetée, avec Matchless, par Manganse Bronze Holding Ltd, fabricant d'hélices pour bateaux, AMC devient Norton Villiers jusqu’en 1973. La politique de Norton change et une gamme plus moderne de motos voit alors le jour.


La mythique Commando MK1 750 Fastback est lancée en 1967, au salon d’Earls Court, dans la continuité de l’Atlas 750.


Elle est suivie en 1970 de la MK2 déclinée également en roadster et en une série spéciale MK2 S, puis par des séries MK3 en 1971 et MK4 en 1972.

Cette dernière série pose problème avec son tout nouveau moteur Combat, moteur haute performance, de 65 ch (48 kW) à 6 500 tr/min, dont la fiabilité aléatoire entraîne de nombreux retours chez le constructeur.



Heureusement, les modèles Hi-Rider et Interstate, ce dernier avec une autonomie accrue dédié au marché américain, se montrent plus fiables.



En 1973, le gouvernement britannique initie un plan économique pour sauver BSA Motorcycles, qui possède déjà la marqueTriumph, ainsi que Norton qui bat de l’aile.



La fusion avec BSA engendre la production de motos sous enseigne Norton Villiers Triumph (NTV), dont le patron Dennis Poore, était initialement à la tête de Norton, la plus petite de ces entités.



Mais ce ménage à trois ne s’éternise pas en raison de mouvements syndicaux déclenchés chez Triumph du fait de la restructuration du groupe.

Nonobstant cela, le groupe sort en 1973/74 les séries des MK5 750 et des MK1 et MK2 de 850 cc pour le marché US (normes US).


Les MK1 A 850, Interstate et Roadster, sont pour le marché européen car elles répondent aux normes européennes.

Une série limitée de JPN Réplica, ersatz de la JPS 750 de compétition, en hommage à l’ingénieur pilote Peter Williams handicapé suite à une chute en compétition, est produite à un peu plus de 200 unités.

La MK3, quant à elle, est produite de 1975 à 1977.


Malheureusement, un nouveau dépôt de bilan intervient en 1978, car le gouvernement coupe les vivres au groupe et demande le remboursement des prêts consentis.

Transition



Dans les années 1980, malgré l’effondrement de NTV, Norton reste populaire. Elle appartient alors à plusieurs entités européennes et américaines qui sont plutôt spécialisées dans l’aviation légère que dans la moto.


Le secteur moto n'est réellement relancé qu'en 1988, avec un modèle dérivé du fameux RCW 588, le NRS 588, piloté par Steve Hislop qui s’impose à la T.T. en 1992.

Le succès touche enfin le secteur commercial avec l’Interpol 2, refroidi par air, puis par eau (modèle 2A).

Puis les modèles Commander lui succèdent avec un moteur Wankel, à conception rotative excentrique. Ils sont aussi commandés par la police et les militaires (modèle P52), un modèle P53 est conçu pour le secteur civil un peu plus tard.


D’autres modèles enrichissent la gamme, notamment le Commander A, toujours avec un moteur rotatif Wankel et la F1, pensé pour la course. Une version grand public de la F1, plus accessible, est également produite.

Périodes troubles



Le sulfureux PDG, Phillippe LeRoux, ouvre Norton à d’autres secteurs d’activités, tels que les loisirs et l’immobilier. Mais ses activités sont entachées d’irrégularités financières qui incitent le gouvernement à ouvrir une enquête.


David MacDonald succède à LeRoux pour essayer de résorber une dette de 7 millions de livres sterling (£) en 1991. Puis, c’est la société canadienne Wildrose Ventures qui devient propriétaire de la marque en 1993.

Le responsable des investissements de Wildrose Ventures est un homme d’affaires particulier, Nelson Skalbania.


Celui-ci tente de mettre aux enchères le patrimoine historique de Norton, notamment d’anciennes motos exposées dans différents musées.

Sa gestion très controversée entraîne son limogeage.


En 1994, Norton est la propriété de la société Aquilini Investments. Elle fabrique à partir de 1996 des composants pour les moteurs d'avions légers à conception rotative.

Dreer et la Norton 961 / SS Commando, une belle parenthèse !



À la fin des années 1990, l’autodidacte Kenny Dreer rachète une concession de motos anglaises en faillite, à Portland dans l’Oregon et crée Vintage Rebuilds.

Il produit des Café-Racer performants avec le stock existant jusqu’à s’attirer les grâces de la presse et d’un mécène passionné de Norton, Ollie Curme.

Ce dernier le finance pour lancer une production plus ambitieuse d’une cinquantaine d’unités. Mais Aquilini Investments, toujours propriétaire de la marque et des droits de Norton s’oppose à cette entreprise en 1999.

Kenny Dreer et Ollie Curme concluent alors un accord avec Joe Seifert en Allemagne, et en janvier 2003, Norton Motorsports, leur nouvelle entreprise, devient la seule détentrice de la marque et des droits de Norton.


Quelques VR 880, issus de la Norton Commando de série, avec des améliorations ponctuelles sont produits, mais ces modèles restent des motos de conception ancienne.


Dreer veut alors mettre au point un nouveau concept. Mais Ollie Curme, qui est en désaccord avec lui arrête de le financer.

Les deux hommes se réconcilient en 2002 et mettent au point le concept 952.

Puis, au fil des ans et des modifications, ce concept aboutit au modèle Commando 961, grâce à une équipe conception et développement dirigée par Paul Gaudio, composée entre autres de Simon-Pierre Smith, l’ingénieur principal et Patrick Leyshock, le responsable des essais et des approvisionnements.

Mais l’aventure prend fin en avril 2006 par manque de financement et l’impossibilité d’exporter.

Reprise et développement prometteurs



Fin 2008, Stuart Garner, un homme d'affaires britannique, déjà propriétaire de Norton Racing Ltd, prend les choses en main.


 Il fait construire une usine de 14 000 m2 à Donington Park, près du circuit de course du même nom, pour améliorer et produire la machine de Dreer.


Le nouveau moteur est un bicylindre de 961 cc, refroidi par air et par huile, reprenant le concept de la Yamaha TRX 850. La machine est un roadster monoplace inspiré des modèles Commando.

Garner engage en janvier 2011, le designer Sud-Africain Pierre Terblanche qui officie déjà chez Piaggio et Moto Guzzi.


En août 2011, le gouvernement britannique consent un prêt bancaire de 7,5 millions de £ à Norton qui permet à la marque d’avoir de la trésorerie pour l’exportation et de doubler sa production annuelle, passant ainsi de 500 à 1000 machines.


Donington Park devenu trop petit, Norton Motorcycle Compagny implante alors son siège social dans ses nouveaux locaux de Donington Hall, acheté en mars 2013 à British Airways, dans le Leicestershire.


Le centre d'ingénierie est installé derrière Donington Hall dans un complexe de bâtiments modernes, appelé Hastings House.

Rechute en eaux troubles


Tout semble rouler pour Norton qui connaît des jours heureux. Stuart Garner détient personnellement 86% des actions de Norton Motorcycles, qui comprend un domaine de 32 hectares à Donington Hall, l'usine Norton existante et la toute nouvelle usine dédiée à la production de la nouvelle gamme Atlas 650.


En plus de Norton, Garner est propriétaire de deux autres sociétés : Donington Hall Estates, une demeure jouxtant le circuit de Grands Prix de Donington Park et le Priest House Hotel, implanté dans un ancien moulin comportant plusieurs cottages.


Pourtant, début 2020, Norton est en faillite en raison d’une dette fiscale d’environ 300 000 Livres sterlings (£) et la marque est placée sous administration judiciaire dès janvier. Cette somme semble dérisoire pour une entreprise comme Norton qui est en plus est soutenue par le fabricant de motos chinois Zongshen, qui reste cependant dans une position attentiste.

Norton a pourtant bénéficié de nombreux prêts et subventions pendant des années, d’un contrat d'exportation avec le Japon, d’un partenariat avec Zongshen.


La position en retrait de Zongshen est peut-être due à des opérations frauduleuses concernant les fonds de pension mis en place par Norton intéressant environ 800 retraités britanniques qui voient leurs économies disparaitre.

Si l’on additionne à cela une gestion pour le moins dispendieuse avec l’acquisition de voitures de fonction (Jaguar F-Type, Range Rover, Aston Martin) d’un certain prix, des problèmes de garantie sur certaines motos non réglés, on comprend mieux l’immobilisme du géant chinois inquiet de la contamination de Stuart Garner par la "Carlos-Ghosn-Mania".


A moins que Zongshen n’attende à dessein !


Mais j’ai bien peur que les dindons de la farce ne soient encore et toujours les clients, notamment ceux qui ont passé commande récemment pour les deux derniers modèles.

Espoir ?



A moins qu’un repreneur n’entretienne l’espoir !


Parmi les candidats, Bajaj Auto, une entreprise indienne qui est en partenariat avec Triumph, ou Mahindra Corp propriétaire de BSA depuis 2016 pourrait se positionner.


L’homme d’affaires russe Timur Sardarov, nouveau propriétaire de MV Agusta, est aussi sur les rangs, tout comme le financier britannique Stephen Julius, un temps lié à Indian, avant que Polaris n’en devienne propriétaire en 2011. Le milliardaire Li Shufu, déjà propriétaire de Volvo, Lotus Cars, Benelli, la London Taxicab Company et qui détient des parts de Daimler-Benz est aussi intéressé.


Même l’acteur Keanu Reeves, déjà copropriétaire de Arch Motorcycles et grand fan de Norton a fait un inventaire du patrimoine.


Parmi les marques implantées dans le milieu Kawasaki Heavy Industries et bien évidemment le chinois Zongshen sont sur les rangs.


Mais, finalement, c'est l'Indien TVS qui semble faire la course en tête, à condition que le passif de Norton soit apuré et un protocole de développement industriel défini.


A suivre !

Yfor 2020-03