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Euro-Normes et moto..
C'est un peu le brouillard !
Dans ce post, par le terme « motos », nous désignons les véhicules de catégorie L qui comprend les motos et les cyclomoteurs, ainsi que les véhicules tout terrain (quads) et d'autres petits véhicules à moteur de trois ou quatre roues.
Les courageux qui liront ce post constateront que les Euro-Normes ont un champ d’application beaucoup plus important que la simple limitation des émissions polluantes. D’autres critères tels que la sécurité, la sonorité, la conception et l’entretien sont également régis par ces normes.
Nécessité des Euro-Normes pour les motos
Mais revenons sur le sujet de la pollution engendrée par la combustion du moteur thermique de nos chers deux-roues, au sens propre comme au sens figuré. Le fonctionnement de ce deux-roues que nous aimons tant serait-il à ce point nocif et préjudiciable à notre santé ?
Pour caresser dans le sens du poil les écolo-philanthropes que nous ne sommes pas, même en roulant sur une électrique, différentes études mettent en évidence que le deux-roues est très minoritaire parmi les véhicules usuels et qu’il parcourt moins de kilomètres qu’une voiture.
Mais, paradoxalement, il est pour l’instant beaucoup plus polluant qu’une voiture.
Selon le rapport du conseil international pour un transport propre (ICCT), l’entité qui a baffé Volkswagen à coups de Dieselgate, une moto en fonctionnement produit en moyenne de 2 à 11 fois plus de monoxyde de carbone qu’une voiture essence récente.
Pour l’oxyde d’azote, les motos polluent de 1 à 6 fois plus.
Ces constatations reposent sur 5000 mesures journalières effectuées entre le 18 juin et le 16 juillet 2018.
Les rejets d’environ 180 000 véhicules, dont 3455 deux-roues ont été analysés.
Compte tenu de ces nouvelles réjouissantes, regardons de plus près ce que le fonctionnement d’un moteur thermique peut engendrer en termes de rejets polluants dans l’atmosphère et leurs conséquences sur notre santé.
Le monoxyde de carbone (CO) résulte d’une combustion incomplète liée au manque d’oxygène. Manque de chance, le CO à une affinité bien supérieure à celle de l’oxygène avec l’hémoglobine qui a une fonction de fixateur. De ce fait, l’hémoglobine fixe alors le CO sur les globules rouges à la place de l’oxygène (O2) et le corps n’est alors plus oxygéné correctement.
Des hydrocarbures imbrûlés (HC) sont également émis. Outre le fait d’être cancérigènes pour certains d’entre eux, ils participent à la production d’ozone et de ce fait à l’augmentation de l’effet de serre.
Etonnamment, les diesels sont plus propres que les moteurs à essence pour ce qui concerne ce type de rejets.
N’oublions pas parmi les rejets, les oxydes d’azote (NOx) qui contribuent à la formation du dioxyde d’azote générant des troubles respiratoires et des céphalées.
Ils se manifestent par une brume épaisse et grise qui se forme au-dessus des agglomérations : le smog.
Normal me direz-vous, près de 50% des NOx proviennent des transports terrestres.
Ils contaminent également l’eau de pluie qui devient acide.
Enfin, les particules (PM pour Particulate Matter) sont aussi à l’honneur. Elles se mesurent en particules par million (ppm) pour exprimer la densité ou en grammes par kilomètre (g/km) pour la masse.
Elles proviennent notamment des impuretés dans le carburant, de l’huile moteur, des particules de métaux résultant de l’usure du moteur ou des additifs dans le carburant.
Elles pénètrent dans les poumons et sont impliquées dans de nombreuses maladies respiratoires, dont l’asthme, mais aussi dans des problèmes cardiovasculaires.
Ce sont les diesels qui en produisent le plus.
Si les filtres à particules en suppriment une grande quantité, ce n’est pas le cas pour les plus petites d’entre elles.
Les valeurs inhérentes à ces particules fines ne sont fixées que pour les diesels ou les moteurs essence à injection directe.
Le dioxyde de carbone (CO2) ne fait pas partie des polluants contrôlés car il existe naturellement dans l’atmosphère, même si c’est un gaz à effet de serre.
Historique des normes européennes
Elles sont introduites par la directive 2002/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002, en vigueur depuis le 20 septembre 2002.
Cette directive relative à la réduction des polluants provenant des véhicules à moteur à deux ou trois roues modifie le chapitre 5 de la directive 97/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1997.
Cette dernière était dédiée au renforcement des limites d'émission de gaz polluants des véhicules précités.
Pour la petite histoire
La première Euro-Norme est en usage dès 1990, mais ne cible pas les véhicules mentionnés dans la directive 2002/51/CE.
La norme Euro 0 n’est destinée qu’aux véhicules poids-lourds et ne concerne donc pas la moto.
Si vous voulez savoir quelle est la norme à laquelle est conforme votre véhicule : carte grise, item V9.
En 1992, l’Euro 1 cible les véhicules légers avec motorisation diesel et les moteurs à essence à injection directe, mais pas les motos qui ne seront impactées par l’évolution de cette norme qu’en 1999. La détermination des différents seuils de rejets autorisés différencie les moteurs 2 temps et 4 temps.
Dès 1996, l’Euro 2 est applicable aux véhicules diesel et aux moteurs à injection indirecte, puis en 1999 aux moteurs à injection directe. Les motos ne sont impactées par son application qu’en 2003. Elle diminue encore les seuils des émissions de polluants, notamment pour le CO et les HC. C’est la cylindrée qui sert de support à la détermination des seuils maximum des rejets, la notion de moteurs 2 ou 4 temps disparait. Cette norme engendre l’installation des premiers catalyseurs.
Arrivée en 2001, l’Euro 3 est appliquée aux motos en 2006. Elle réduit encore les seuils de tolérance des émissions toxiques et sonne le glas pour les moteurs 2 temps qui polluent davantage. L’injection électronique et le pot catalytique commencent à équiper les deux-roues.
La norme Euro 4 date de 2006, mais ne sera obligatoire pour les motos que le 1er janvier 2016. Et encore n’impacte-t-elle que les nouveaux modèles à homologuer car une année supplémentaire est laissée pour la mise en conformité à l'Euro 4 des modèles déjà homologués Euro 3.
A défaut, leur disparition de la gamme deux-roues des différentes marques au 1er janvier 2017 serait programmée.
Ce délai est aussi destiné à favoriser l'écoulement des unités encore invendues qui ne seront jamais Euro 4.
Si les émissions de particules sont prises en compte en limitant leur masse (g/km), cette contrainte ne cible que les véhicules diesel.
L’Euro 4 élargit le champ des vérifications aux organes de sécurité passive avec notamment l’obligation d’installer un système ABS ou un freinage combiné CBS.
La prise de diagnostic électronique rapide fait son apparition sur les deux-roues, non sans poser quelques problèmes aux adeptes de la poignée en coin. Ces derniers y voient la possibilité de « flicquer » le motard fou et de réprimer sa propension aux vitesses excessives, à l’instar du tachygraphe des camions.
Outre, les baisses d’émissions polluantes et l’amélioration du freinage, l’Euro 4 fixe également des contraintes en matière sonore, ainsi que pour l’allumage des feux de croisement qui est couplé avec le démarrage moteur.
L’Euro 5 entre en vigueur en septembre 2009, mais n’est applicable aux deux-roues que le 1er janvier 2020. Le délai de « transition » accordé pour la mise en conformité des modèles Euro 3 à la norme Euro 4 sous peine de disparition est reconduit pour les modèles homologués aux normes Euro 4, afin de se mettre à l’heure de l’Euro 5.
Un délai de 4 ans est aussi accordé aux enduros et trial, trois-roues utilitaires et quadricycles légers qui devront être conformes en 2024.
Pour la première fois, un seuil maximum d’émission de la masse des particules est fixé pour les motos.
La densité des particules n’est pas encore prise en compte, contrairement aux quatre-roues.
La prise de diagnostic OBD2 (On Board Diagnostic) qui permet d'identifier les dysfonctionnements et détériorations du système de contrôle des émissions devient multimarque, à défaut d’être universelle, alors qu’auparavant un câble de branchement par marque est quasiment obligatoire.
Attention cependant à la norme Euro 5b prévue pour 2023.
Elle fixera des contraintes supplémentaires en matière sonore.
Ne perdez pas les chicanes que vous avez retirées de votre ligne d’échappement si vous ne voulez pas en prendre plein les oreilles lors du contrôle technique (elle est bonne !).
La norme Euro 6 est déjà applicable aux voitures depuis 2014, mais pas encore aux motos.
Il existe toujours un décalage de plusieurs années avant que les motos ne soient réellement concernées, soit partiellement, soit totalement, par des normes auxquelles sont déjà assujetties les voitures.
On comprend donc à la lecture de ce bref historique que les classes de normes s’adressent à tous les véhicules de 1 à 77 roues.
Néanmoins, des chapitres particuliers ciblent tel ou tel type de véhicule dont l’évolution est multifactorielle. La politique fixe les objectifs. La technologie et l’économie lissent ces mêmes objectifs dans le temps.
Contraintes normatives en matière de rejets polluants fixées aux motocyclettes
La norme Euro 1 est applicable aux motos en 1999 et limite les émissions à :
- CO : 8000 mg/km pour les moteurs 2 temps et 13000 mg/km pour les moteurs 4 temps.
- HC : 4000 mg/km pour les 2 temps et 3000 mg/km pour les moteurs 4 temps
- NOx : 100 mg/km pour les moteurs 2 temps et 300 mg/km pour les moteurs 4 temps.
La norme Euro 2 est applicable aux motos en 2003 et limite les émissions à :
- CO : 5500 mg/km
- HC : 1200 mg/km concernant les deux-roues inférieurs à 150 cc et 1000 mg/km pour ceux supérieurs à 150cc
- NOx : 300 mg/km
La norme Euro 3 est applicable aux motos en 2006 et limite les émissions après un démarrage à froid à :
- Monoxyde de carbone : 2000 mg/km
- HC : 800 mg pour les cylindrées inférieures à 150 cm3 et 300 mg pour les cylindrées supérieures
- NOx : 150 mg/km
La norme Euro 4 est applicable au 1er janvier 2016 et limite les émissions maximales à l’échappement après un démarrage à froid à :
- CO : 1 140 mg/km
- HC : 380 mg/km pour les motos dont la vitesse maxi est inférieure à 130 km/h et 170 mg/km pour les motos et tricycles motorisés dont la vitesse maxi est supérieure à 130 km/h
- NOx : 70 mg/km pour les motos dont la vitesse maxi est inférieure à 130 km/h et 90 mg/km pour les motos et tricycles motorisés dont la vitesse maxi est supérieure à 130 km/h.
La pollution est également sonore. Ainsi, les motos et scooters ne doivent pas dépasser :
- 75 dB pour les 80 à 175cc, avec une tolérance jusqu’à 77 dB
- 80 dB pour les plus de 175cc.
La norme Euro 5 est applicable depuis le 1er janvier 2020 aux deux et trois-roues et limite les émissions maximales à l’échappement après un démarrage à froid à :
- CO : 1000 mg/km
- Hydrocarbures : 100 mg/km et 68 mg/km pour les hydrocarbures non méthanier.
- NOx : 60 mg/km
- Particules fines (PM) 4,5 mg / km sur l’intégralité du temps de vie de la moto.
Les protocoles de contrôle des seuils
Un premier protocole de contrôle datant de 1973 est d’abord utilisé pour déterminer la consommation de carburant et les émissions de polluants.
Il s’agit d’un protocole appelé Nouveau Cycle Européen de Conduite (NEDC) qui consiste en l’analyse de cycles de conduite sur un banc à rouleaux.
Les motos et scooters sont homologués selon le double cycle ECE / EUDC :
Un cycle complet dure 20 minutes et comprend quatre phases ECE enchaînées sans interruption, suivies d’une phase EUDC, dite segment.
En 2001, les mesures débutent lorsque le moteur est démarré alors qu’auparavant il pouvait tourner à vide 40 secondes avant de commencer le test.
Ce protocole est abandonné au moment de la mise en application de la norme Euro 6 C, quasiment au même moment que l’entrée en application de l’Euro 4 pour les motos.
C'est le World wide harmonized Motorcycle Emissions Certification (WMTC) qui le remplace, le 1er septembre 2017.
Ce protocole présente l’avantage de simuler des séquences de roulage moins linéaires que dans le protocole précédent, avec un véhicule fini plutôt qu’un test de moteur sur un banc d’essai.
D’une durée de 30 minutes, le nouveau test est un enchainement de trois séquences ininterrompues comprenant des phases de ralenti, d’accélération, de décélération et de roulage linéaire plus en rapport avec la conduite urbaine.
Conséquences de l’application des Euro-Normes
En dehors de l’indéniable bénéfice en matières de santé publique et de sécurité résultant de l’application des Euro-Normes, il faut avouer que les constructeurs et les utilisateurs ont souffert de :
En contrepartie, mis au pied du mur, les constructeurs ont développé des moteurs plus économiques et moins polluants. Et l’avancée technologique ne se limite pas au simple moteur à explosion. La moto électrique, dont certains modèles sont déjà en gestation, parviendra-t-elle à convaincre nos barbus tatoués de la tête aux pieds ?
En conclusion
Les cycles d’évolution mécanique à vitesses variables entre voitures et motos engendrent une absence d’homogénéité des types de polluants à prendre en compte et des seuils admissibles de pollution. Les paramètres de calcul pris en compte sont tout aussi éclectiques, le traitement du CO ou des particules fines en atteste.
D’abord plus lents que ceux des voitures, les cycles d'évolution mécanique et de lutte antipollution des motos s’accélèrent si l’on tient compte des délais de plus en plus réduits entre les sorties des différentes normes qui leur sont dédiées.
Les écarts se réduisent entre deux et quatre-roues assez rapidement dans le but d’aboutir à la parité entre motos et voitures sur les tolérances limites. Cela peut-être dès l’application à tous les deux-roues de l’Euro 5, même si la voiture est déjà tributaire de l’Euro 6.
C’est dommage pour le folklore et la liberté de chacun d’appréhender la moto comme il l’entend.
Néanmoins, l’enjeu est de santé publique.
Yfor 2020-05