Création



Au cours des années 1920, Frantisek Janecek, diplômé de l’école supérieure d’ingénieurs de Berlin, dirige une petite entreprise d'armement sans envergure en Tchécoslovaquie (la scission Tchéquie / Slovaquie intervient en 1992). Il dépose de nombreux brevets, dont les plus connus relatifs à un pneumographe et à une grenade à main utilisée par l'armée tchèque.


La courte période de paix entre les deux guerres mondiales engendre une diminution des besoins en armement. Il devient donc nécessaire pour Janecek de trouver un autre débouché commercial.


Il décide alors en 1927, de produire et diffuser, sous licence, une 500 Wanderer, marque allemande dont il rachète la licence et l’outillage de fabrication à Winklhofer & Jaenicke. Ainsi naît, à Pragues, la marque Jawa, appellation résultant de la contraction de JAnecek et WAnderer.

Wanderer  K 500 1928




Jawa 500 OHV 1929

Après des débuts catastrophiques (le 1er modèle Jawa ne se vend pas car mal conçu), Karel Janecek, le fils du patron, recrute George William Patchett, en 1929. Cet ingénieur britannique conçoit une moto économique, avec un moteur deux-temps Villiers de 175 cc, qui assure la survie de la marque jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Plus de vingt mille unités sont produites et la marque propose aussi ses propres moteurs en 250 et 350 cc.Les exportations ciblent la Hongrie, la Pologne, tout comme les Etats-Unis et, en moindre quantité du fait de la concurrence, l’Europe occidentale.

G.W. Pachett


Jawa 500 172 cc  1932 Moteur Villiers

Le potentiel en matière de recherche et développement de Jawa se fait connaître principalement sur les courses TT de l'île de Man en 1932, 1933 et 1935, avec notamment un modèle SV 350 cc, quatre temps, développé avec Patchett.

Moins connue chez Jawa est la fabrication d’une voiture en 1929 dont la production débute en 1934. Cette traction est mue par un bicylindre deux-temps à refroidissement liquide, de 750cc, sous licence DKW, avant qu’un moteur «made in Jawa» ne lui succède.

Jawa coupé 750 cc - 1935 - Course 1000 miles en Tchécoslovaquie - 26 chevaux - Vitesse de pointe 110 km/h - 6 exemplaires 

Seconde guerre mondiale et nationalisation



La Tchécoslovaquie est occupée par les allemands dès 1939 et Janecek père décède en 1941. Son fils reprend le flambeau, mais la production de l’entreprise est réorientée au profit des nazis, vers la fabrication de moteurs d’avions et de générateurs.

Cependant, on continue à penser et à dessiner des deux-roues pour l’après-guerre. Ce qui fait que le modèle «Perak» est primé lors de sa première apparition au salon de l’auto de Paris de 1946.

Pour ce modèle, J.Josíf et J.Krivka, ont beaucoup innové en développant un nouveau monocylindre, deux temps, de 249 cc. Il est amorti par un piston à l’arrière et une fourche télescopique à l'avant. Le cadre est en acier et l'embrayage humide multidisque intégré à la boîte de vitesses.

Le pays passe sous la férule des communistes (1948) qui collaborent avec Moscou. Les industries tchécoslovaques sont nationalisées et Jawa fusionne avec CZ, un autre constructeur de motocyclettes. Il est à noter que malgré cette fusion, chacune des deux entités conserve son appellation commerciale.

Chez Ceska Zbrojovka (CZ)


Comme chez Triumph, on fabrique d’abord des vélos (1920), des moteurs adaptables, puis des motocyclettes (1928). Cette activité résulte des mêmes problèmes rencontrés par Jawa, mais aussi BSA en Angleterre, contraintes de diversifier leurs activités suite à la baisse de la demande d’armement.

De 1934 jusqu’au début des années 1940, CZ produit différents modèles en 175, 250, 350 (monocylindre) et 500 cc (bicylindre), avant la nationalisation de l’entreprise.

Après sa fusion avec Jawa, CZ est cantonnée à la production des modèles de petites cylindrées, inférieures à 250 cc généralement, tel que le scooter Cezeta 175 cc.

Un an après être devenue tchèque du fait de la scission, CZ est rachetée par Cagiva (1993), avant d’être cédée à Skoda à la fin des années 90, qui utilise les chaînes de montage pour le secteur automobile.

Mais la compétition, puissant vecteur publicitaire, dope les ventes grâce à la notoriété acquise aussi bien dans la catégorie endurance avec une victoire au Bol d’Or en 1955, que moto-cross, catégorie dans laquelle Jawa remporte deux fois le championnat du monde, en 1964 et 1965, respectivement avec le belge Joël Robert et le russe Arbekov.



Outre la compétition, l’histoire avec un grand "H" participe également à la destinée de Jawa, notamment la guerre froide qui réoriente les panneaux directionnels de l’exportation vers les pays de l’Est, du tiers monde et plus particulièrement celle de l’Inde.

Joël Robert - 1964 - Grand prix de Belgique

Des années 1950 jusqu’aux années 1970, Jawa produit également de petites cylindrées, tout comme des bicylindres, parce que le marché est en pleine expansion, compte-tenu du prix prohibitif d’une voiture sous l’ère communiste et du délai de livraison après commande.


En France, à partir des années 1950, la popularité de Jawa dont les modèles sont importés par la société du parisien Jacques Poch (également importateur de Skoda, Lada, Tatra et AéroMinor) repose sur un excellent rapport qualité/prix.

Episode indien n° 1



En 1960, Ideal Jawa, société créée par Rustom.S et Farrokh.K Irani, importe des Jawa en Inde. Le succès et la demande croissent tant et si bien qu’une unité de production sort de terre à Mysore un an plus tard.


Mais, afin de valoriser l’industrie nationale, le gouvernement indien décide le passage sous pavillon Indien des motos de marques étrangères. De ce fait, des «copier-coller» de modèles Jawa sont produits à Mysore et vendus sous la marque Yezdi : Yezdi 250 Type « B », Yezdi 250 Roadking, Yezdi 350 Twin, Yezdi 250 Monarch, etc.

Ideal Jawa exporte ses modèles dans une soixantaine de pays dont la Turquie, le Nigéria, le Vénézuela, le Sri Lanka, l’Egypte, etc. Ainsi, au Guatemala, des Yezdi Roadking équipent les forces de police. Au Ghana, ce sont les compagnies pétrolières qui utilisent des Yezdi 175 et lorsque vous commandez une pizza à Abu Dhabi, elle est livrée au moyen d’un Yezdi Monarch.

Yezdi 250 type B

Yezdi Oilking, ainsi nommé parce qu'il n'était plus nécessaire de mélanger l'huile et l'essence.

Yezdi Roadking 

Déclin




Tout semble aller au mieux pour Yezdi en Inde et Jawaen Tchécoslovaquie, d’autant plus qu’au début des années 60, Jawa conçoit et fait breveter le premier embrayage automatique pour une moto. Cette invention entraîne une joute juridique avec Honda qui est condamnée pour plagia et doit dédommager Jawa.


Jawa remporte plusieurs épreuves de six jours, ce qui renforce sa notoriété et son image de fiabilité. Aussi, en 1970, lorsque Jawa sort le modèle Bizon, bicylindre de 350 cc, 2-temps, le succès est au rendez-vous. Et si l’on ajoute, un effort esthétique durant les années 1980/1990 qui génère un grand intérêt sur les marchés occidentaux, l’optimisme règne.

Jawa automatique

Pourtant en Tchécoslovaquie Jawa périclite. Le plan de gestion des autorités communistes, plus politique, pour ne pas dire mercantile, que respectueux des codes et process économiques, accapare les bénéfices et n’autorise pas les investissements indispensables à la modernisation de Jawa, qui, de plus, subit une concurrence féroce malgré le succès du modèle Californian 4, un deux-temps de 350 cc, réputé pour sa fiabilité.


Après la scission Tchéquie/Slovaquie, la fin de la production relève autant de la concurrence que des conflits sociaux ou de l’obsolescence des moteurs deux-temps produits par l’entreprise. Ceux-ci ne répondent plus aux exigences normatives européennes ce qui leur ferme le marché du vieux continent. Par ailleurs, à la fin des années 1990, la production indienne, concurrencée par l’Asie en général et la Chine en particulier, est au point mort. La marque entre alors en sommeil en 1996.


Ainsi, les derniers modèles produits, tels que les Monarch, Deluxe, Road Kings et CL II, font-ils, aujourd’hui, le bonheur des collectionneurs.

Jawa Road King 250

Bizon 350 cc

Jawa Monark dédiée à l'armée

Relance



La sociétéJAWA Moto Spol. s.r.o est créée en 1997, sous l’appellation commerciale Jawa, avec un siège social en Tchéquie.


L'actionnaire majoritaire est la société par actions JIHOSTROJ Velesin, producteur de composants hydrauliques et de systèmes de régulation pour l'industrie automobile et aéronautique.


La marque au glorieux passé est donc relancée, on y fait de la recherche, du développement, de la production de motos, de leurs pièces détachées et de leurs accessoires.



Dans les années 2000, Rotax-Bombardier fournit des monocylindres quatre temps de 650 cc, équipant les modèles Style, Classic ou Dakar. La production des cylindrées inférieures est stoppée.


Entre 2007 et 2017, Jawa sort le modèle 250 Travel, "Type 597". Ce bicylindre parallèle vertical 4-temps plaît pour sa légèreté (145 kg en ordre de marche). Mais surtout, sa conformité aux normes Euro 3 lui ouvre le marché européen.

Un 660 cc succède au Rotax 650 de la trilogie Style, Classic, Dakar à partir de 2011.


Cette même année c'est le trail 660 Sportard et son monocylindre Minarelli, répondant aux exigences de la norme Euro 4 qui sont distribués. Le moteur est également monté sur la nouvelle 660 Vintage.

Jawa 650 Dakar moteur Rotax

Jawa 650 Style moteur Rotax

Jawa 250 Travel

Jawa 650 Classic moteur Rotax

Jawa 660 Sportard moteur Minarelli

La production Tchèque des usines de Týnec nad Sázavou en 2017 est de 1 331 unités (8 % de plus par rapport à l’exercice précédent), dont 87 % sont exportées. Les 174 machines vendues sur le marché tchèque représentent 120 % d’augmentation par rapport à 2016.


Les modèles proposés sont :

  • un 350 OHC, Euro 4, inspiré modèle de type 634 des années 70/80, propulsé par un 4-temps chinois de chez Shineray ;
  • un 660 Vintage, grande sœur de la nouvelle 350 OHC E4 ;
  • l’ancien 350 Type 640, bicylindre deux-temps datant de 1970, dédié aux marchés russe et d’Amérique centrale, sans exigences normatives trop contraignantes.

Jawa 350 OHC

Jawa 350 OHC Spécial

Jawa 660 Vintage

En 2019, célébrant le 90è anniversaire de la marque, Arnošt Nezmeškal, directeur de la section transports du Musée technique national, explique que malgré la fermeture du marché russe, la marque fabrique un millier d’unités par an à destination de l’Amérique du Sud, l’Irak et Cuba.


En Argentine, en 2020, la société RVM produit un trail de 500 cc, mu par un bicylindre en ligne 4-temps de 471cc, également décliné en une version scrambler depuis 2021.



Aujourd’hui, Jawa produit toujours d’anciens modèles 350/640 (deux-temps Style/Retro) et des modèles OHC 350/650, équipés de moteurs chinois 4-temps, répondant aux contraintes fixées par la norme Euro 5.


Mais la marque emploie à peine une centaine d’ouvriers et les affaires ne sont pas florissantes puisqu’en 2023 le chiffre d’affaires a chuté de 45%.

RVM 471 cc

Episode indien 2

 

C’est peut-être de l’Inde que viendra le salut, car en octobre 2016, un accord entre Jawa et Mahindra relance la production indienne par le biais de Classic Legends, l’une des filiales de Mahindra, suite à un accord de production sous licence trouvé avec l’actionnaire principal, toujours Tchèque.

 


Pourtant les débuts sont difficiles car seulement 4000 unités sont écoulées en 2019. Mahindra se tourne alors vers l’Europe en 2020 avec les trois nouveaux monocylindres déjà produits sur le marché Indien : les Jawa Forty Two, Classic et Pérak estampillés Euro 5.

Jawa 300 Pérak

La Forty Two et la Classic cubent 293cc (27ch), le modèle Pérak 334cc (30ch). Les motos sont produites dans l'usine de fabrication de Mahindra à Pithampur, près d'Indore, dans le Madhya Pradesh.

Jawa 300 Forty Two

Jawa 300 Classic

"Wait and See" me direz-vous !!!


Que penser de la renaissance d'une énième marque sous la férule de Mahindra ?


Certes la fille est belle, mais rien ne garantit qu'elle trouvera son public, bien que sa puissance limitée la destine par construction aux permis A2 et que la clientèle féminine sera vraisemblablement plus sensible à ses charmes qu'à sa puissance. 


Encore faudrait-il que le réseau de distribution européen s'étoffe ! En France, je ne connais pas encore de distributeur. 

Yfor 2025-02